Picketty "Capital et idéologie"

Conseil de lecture :

En ces temps de confinement, lire est un bon moyen de passer le temps. Je viens de lire "Capital et idéologie" de Thomas Piketty (économiste français). C'est une étude sur les inégalités dans les sociétés humaines à travers l'histoire (il va du moyen-âge à aujourd'hui, en passant par l'esclavage, la colonisation ou la révolution française) et à travers différents pays (France, Royaume Uni, USA, Chine, Inde, Japon...). Moi ça m'a passionné. Si vous êtes intéressés par la politique, l'économie, l'histoire, la sociologie sans être spécialiste ce livre peut vous plaire. Il fait quand même 1200 pages, écrit petit et est très dense donc mieux vaut être un bon lecteur. A travers des exemples, toujours très documentés et chiffrés, il dénonce les systèmes inégalitaires passés et présents. En voilà trois qui m'ont marqué

1)L'indépendance d'Haïti : Haïti était une colonie française très grande productrice de sucre et de café. Elle était aussi la plus grande concentration mondiale d'esclaves (90% de la population). Ils se révoltèrent et obtinrent leur indépendance en 1825 en échange d'une très forte indemnisation des propriétaires de l'île. Le remboursement des intérêts de la dette représentait à lui seul 15% du PIB de l'île. Ils ont payé pendant 125 ans jusqu'en 1950!!!

2)L'abolition de l'esclavage au Royaume-Uni : En 1833, le RU abolit l'esclavage. C'était sans aucun doute un très grand progrès social. L'état britannique dédommagea les 4000 propriétaires d'esclaves pour le dommage subi. Attention ceux-ci gardaient leur plantation, ils perdaient juste le droit de propriété sur leurs esclaves et devaient les payer pour leur travail. Cette indemnisation coûta 5% du PIB du RU.Cela reviendrait aujourd'hui à verser à chacun de ces 4000 propriétaires 30 millions d'euros!!! Inutile de préciser que personne n'a pensé à indemniser les esclaves de la privation de liberté, des mauvais traitements et du travail forcé qu'ils avaient subi toute leur vie.

Ces deux exemples montrent à quel point le capitalisme peut être inhumain et servir l'intérêt de quelques propriétaires. Le troisième est plus réjouissant.

3)Les trente glorieuses : De 1950 à 1980, le monde a connu la plus grande croissance de son histoire et en même temps la plus grande baisse des inégalités. Ces deux baisses sont liées. On peut penser qu'un meilleur accès à l'éducation et à la santé, rend les travailleurs plus productifs et profite à la croissance et penser aussi ou que c’est l'augmentation des richesses qui profite aux classes populaires et réduit les inégalités. C'est un peu comme la poule et l'oeuf. Ce n’est pas ça qui est intéressant, ce qui est intéressant pour moi c'est que les deux ont eu lieu en même temps et que donc un meilleur partage des richesses ne nuit pas à la croissance au contraire. Il faut savoir qu'à cette époque les taux d'imposition étaient très élevés. Aux USA et aux RU (pays symboles du capitalisme) le taux maximal de l'impôt sur le revenu était de 90 % et celui sur les successions de 80% sans que cela n'empêche ces pays de profiter de la croissance. Pour info, en 2020, le taux maximal d'imposition sur le revenu en France est de 45% et la loi de Hollande créant un taux de 75% pour les revenus supérieurs à 1 million d'euros a été refusée par le conseil constitutionnel jugeant un tel taux spoliatif. Les temps ont bien changé...
Voilà c'est vraiment un livre passionnant, qui fait réfléchir. Je vous le conseille vivement. Je peux même vous le prêter.
Allez salut